Julien et Bertrand

Publié le par dantris vadim

 

 

Rétrospective de deux papas avant la barbe ou pourquoi

Papa is a rolling stone /


 

 

Chapitre 1 : la vérité sort de la bouche des enfants

 

Très tôt, la couche aux fesses et le verbe peu sûr encore, ils crurent que « la vie devant soi » était une véritable « chute », une espèce de « voyage au bout de la nuit ». Dès leur plus jeune âge, Julien et Bertrand, chacun de leur côté, s’effrayaient, se persuadant qu’au fond de leur petit ventre sommeillaient, impatientes « les fleurs d’un mal » encore pour eux inconnu : la croissance.

Toutes les insomnies de leur enfance durant, ils caressèrent leur nombril, inquiets de la venue nocturne desdites fleurs mauvaises, de ces végétaux nuisibles, et, blottis au creux ouaté de leur lourde couette, un doigt autour de l’orifice, ils respectaient « un silence d’agneaux » tout en évitant d’appuyer sur l’énigmatique noeud de chair, de peur de provoquer par quelque « effet papillon » le « ravage » de leur avenir.

Ils se terraient, priant de pouvoir vite devenir le scaphandre immuable de leur chenille. 

 

Julien qui aurait préféré naître Jedi ou du moins quelqu’un qui sache manier un sabre ou un truc dans le genre, se demandait si l’adulte avait déjà été enfant ou bien si l’on naissait directement avec une moustache et un pied taille 42, auquel cas il était tranquille. Mais, observant l’album photo familial un après-midi de vacances, alors qu’il honorait une pause quatre heures bien méritée après avoir joué comme un petit fou avec le chat roux et vérolé des voisins du deuxième, il obtint sa réponse :

Papa n’avait pas toujours été papa, il avait été petit lui aussi.

-« C’est donc vrai, se dit-il, un jour je devrais me transformer, mais pourquoi ? ». 

Le jour de cette révélation, il resta de longues minutes silencieux, seul dans la cuisine, la cuillère levée gouttant sur le linoléum, il était approximativement 16h30, heure fatidique du goûter à laquelle le bol de chocolat au lait commençait à ressembler aux eaux guyanaises étant donné la déliquescence très avancée des petits princes cacao dans le grand océan refroidi du demi-écrémé.

 

Bertrand cherchait lui aussi des réponses à son énigme du sphinx, depuis ses premières réflexions à quatre pattes il était tarabiscoté par le sens de l’existence : où vais-je ? qui suis-je ? qui joue en première base ? qui était numéro 1 à l’ATP en 1989 ?

-«  Bientôt j’irai parmi les hommes et si j’étais le plus petit d’entre eux… ? », s’angoissait Bertrand, ce même dimanche après-midi, à l’autre bout de la ville, debout, ruisselant de sueur et pieds nus sur la grille froide du barbecue familial, après avoir effectué une série de 425 smaches avec des pommes de pin et un plateau en aluminium destiné à recueillir normalement les saucisses qu’il était en charge de faire griller. Elancé et noble sur son podium improvisé Bertrand laissa échapper une larme de dépit, discrète, presque invisible mais qui n’échappa pas à l’attentive Agnès, la petite voisine amoureuse cachée derrière les mitoyennes haies touffues.

 

Tous deux demeuraient ainsi, et il en fut de même jusqu’à 12 ans, blessés, plein du sentiment d’avoir été trahis et surtout conscients de leur impuissance face à cette vie qui, en eux et autour d’eux, avancerait malgré tout ; ils fustigeaient l’ordre des choses, maudissaient l’irrévocabilité de leur condition.

Les soirs de bain, tout en barbotant dans les eaux usées de leurs humeurs irascibles, combien de fois, le sait-on, les savons et autres canards de bains ont-ils fusés hors de l’univers liquide et mousseux pour aller s’aplatir contre le mur innocent et immaculé de la salle de bains de leurs parents, avec l’écho persistant d’un juron qu’il ne m’est pas autorisé ici de reprendre. Pré-puberts, ils jetaient au mur leur rage, leur soif de ne pas grandir : sous la mousse c’était le béton.

 

Il fallait comprendre nos jeunes adolescents alarmés :

Grandir ! quand on est encore enfant, quoi de plus effrayant ? je m’excuse Zoé, si tu nous écoute, pardon Samuel si un jour tu lis ce texte, mais prendre du galon, de la taille, du poil au crâne ou au menton, du ventre, des râteaux, avoir des varices, de l’amour propre, des dettes, des doutes sur l’existence de dieu, des mauvaises notes, des cors au pied, un vélo qui crève un jour sur deux, un portable défectueux, des carries, un correspondant allemand qui danse sur Rosamunde, recevoir des baffes, des Sms de gens qu’on veut oublier, une feuille d’impôt, des PV, des flyers de l’astrologues africain du coin de la rue, un ordre de mutation à Chatou,   eh ben, c’est pas évident…et surtout ça engage de perdre beaucoup d’autres choses formidables : comme le sein de maman, les câlins de papa, une montagne de cadeau au moins deux fois par an, l’impression que le pot de confiture au bord de la table fait quatre mètres de hauteur, le plaisir de se faire essuyer les fesses, les vacances interminables, le droit de crier spontanément sans raison apparente, la certitude que la p’tite souris existe, le camion lego avec double échelle, la veilleuse qui projette des ombres au plafond, l’excitation de regarder la télé en cachette, les amours épistolaires transatlantiques, l’ivresse de la première cuite, l’avantage jeune à la Sncf,  et j’en passe…

Vous l’aurez compris, Julien et Bertrand avaient en effet de quoi souffrir !

 

 

Chapitre 2 : prise de contact et balle au centre

 

Collégien, plus avertis et obligés de se rendre compte de certaines mutations, ils persistèrent néanmoins l’un et l’autre dans leur refus de grandir. Sans le savoir pourtant, ils arboraient le même signe de ralliement au « je veux rester un enfant ». En plein milieu de leur sac à dos, trônait, comme un gros nombril comblé et lissé au vernis brillant, un badge de Winny l’ourson. Un petit clignotant greffé au pied droit du personnage Disney signalait  une lumière tour à tour verte puis rouge. Le bip-bip lumineux attirait beaucoup les regards. Certains étaient moqueurs, bien sûr mais d’autres étaient nostalgiques. Respectivement dans leur établissement, ils devinrent des coqueluches sinon les fers de lance d’un mouvement d’ado. défini et suivi par des millions de jeunes des années encore après : le stop-growing .

 

Pendant une rencontre inter-collège de handball ils furent même assez audacieux pour prendre position ouvertement devant le public réuni de la grande salle du gymnase. Le souvenir est amusant car il s’agit de leur première rencontre et elle se fit sur un mode relativement original.

Bertrand devait jouer la finale. Il était au poste d’avant. On l’avait mis là pour sa grande taille, son extension et sa force de frappe : on l’avait surnommé l’homme-canon. Pourtant il ne joua pas  ce jour-là, car il était blessé. Une poussée de croissance de l’avant-veille lui procurait encore une douleur aux articulations du genou. A son grand regret l’entraîneur M. Baup, le remplaça par son camarade Olivier, un joueur sympa mais plus contenu et moins audacieux – c’est ce que Bertrand du moins laissait dire.

Julien quant à lui s’était refusé à toute participation handballistique, il estimait que, pédagogiquement, l’affrontement sportif n’était pas pertinent. Quelques jours auparavant, il  avait tenu un discours osé à sa prof de sciences nat’. Prof principale mais encore présidente du club des cadettes et surtout mère du gardien de l’équipe des garçons qualifié pour la finale, le fils François:

-« Non je n’irai pas joué la finale, lui avait répondu Julien, je pense que l’esprit de compétition ne peut que nuire aux ambitions parfois timides et justes engagées  des élèves..et puis je trouve qu’en short on a l’air con. »

 

Le jour J du match inter-classe, Julien, assis sur le banc songeait bien à une intervention là, devant tout le monde motivé qu’il était par le groupe qui le soutenait au collège, son slogan était prêt.

Il savait quoi dire et lancer au public de jeunes, comme lui concernés par cette fichue croissance, mais il ne savait comment s’y prendre.

Comme ils étaient deux sur la touche, Julien et Bertrand se croisèrent d’abord du regard. Ils aperçurent ensuite l’un et l’autre le Winny lumineux qu’exhibaient leur sac à leur pied.

Bertrand s’invita près de Julien pour discuter et faire passer le temps.

Pendant la première partie du match, il apprirent à se connaître. Et rapidement ils en virent à s’expliquer l’un à l’autre le pourquoi de ce nounours clignotant.

-       C’est pas vrai ?

-       Toi aussi alors.

La joie les poussa à entériner leur promesse de fidélité en se tapant dans la main, sous le cri complice de « Born to be child », avec le bond coquet d’un apprenti volleyeur façon manga japonais.

 

La suite de la rencontre ne les intéressait plus. Ils prirent le temps de trois ou quatre respiration lentes puis s’élancèrent sur le terrain pourtant occupé par les joueurs.

Bertrand prit spontanément Julien par les chevilles et le hissa au-dessus de lui. Fort de cette position haute et bien placé pour lancer sa voix, Julien avisa la foule à tue-tête.

 

- « Non, non et renon, de qui se moque-t-on nous ne voulons pas de croissance forcée, non à l’âge adulte, tout n’était qu’injustice, foot, cul, compétition, vergeture, impuissance et globalisation, beuverie, capitalisme déraisonnable, mode vestimentaire, développement non durable, journalisme corrompu, Laurence Ferrari non mais sans rire ? »…..

 

 

Dix minutes plus tard, leurs parents étaient là, ils vinrent récupérer leurs jeunes contestataires maîtrisés par les services du gymnase, désormais exclus trois jours de leur établissement et sous le coup de sanctions administratives pour interruption de compétition sportive, trouble à l’ordre public, remise en cause des méthodes pédagogiques et incitation au refus de croissance. Ils furent désespérés, et tentèrent de chapitrer leurs enfants.

On leur parla bien de tout ce que leur jeunesse allait leur offrir, des filles, les anniversaires de Jérôme, un métier, une passion, une vocation peut-être…ouais, mais nos deux compères n’en restaient pas moins perplexes :

 

Bien que jeunes encore ils en étaient sûrs, le parfum de la vie perdait de sa fragrance au fur et à mesure des années, à cause de ce corps qui bouge sans cesse, à cause de ces idées nouvelles qui germent dans les esprits, à cause de ces minutes et de ces heures qui s’égrènent malgré soi à cause de ces petits soldats du temps, pulvérisateurs infatigables des essences de la vie les plus fines. Tout s’effrite, s’éloigne, et pour quoi, pour qui…a qui servait tout ça….on vient un jour et puis hop ! on disparaît… ?? entre temps on mute et on perd son innocence, ah, c’était ça la vie, c’était ça le prix à payer en grandissant ??

 

 

 

Chapitre 3 : dernière tentative d’insertion

 

Admonestés, remis sur le droit chemin, Julien et Bertrand jouèrent le jeu et firent de leur mieux pour oublier qu’il devenait de plus en plus proche de l’âge adulte. Ils essayèrent de trouver de quoi occuper ces âges ingrats de la post-enfance, histoire de ne pas dépérir de chagrin. Les Winny furent proscrits et leurs nuques longues les enfermèrent dans les années lycées.

 

Julien fut occupé un temps par de nobles ambitions cinématographiques et s’essaya alors à la réalisation. Au lycée il conclut son premier film : Clodo de Noël. Une fresque réaliste sur la vie misérable d’un homme abattu qui, le soir de Noël se voit généreusement convié à un dîner amical par des jeunes philanthropes peu encore versés dans la littérature de Montaigne mais enclin déjà à agir pour un monde meilleur. Le succès de son premier opus fut net, on l’applaudit, on l’envia, on l’admira et on l’aima même.  La belle Sidonie Karstmusen fraîchement débarquée de Cologne grâce aux opérations du grand Erasmus lui fit même comprendre ses intentions, le soir du pot après la projection. Tout le monde averti attendait la rencontre, Lauriane l’actrice principale du film accepta exceptionnellement de laisser sa chance à la lycéenne invitée. La vie devait-elle pour Julien enfin prendre un sens ?

Fasciné par l’énorme poche de Curly 500G entrouverte sous ses yeux, Julien ne fit guère attention à la teutonne séduite qui s’avançait à l’autre bout, il humait l’odeur oubliée des pots de beurre d’arachide mêlée à celle de la margarine fondue qui venait à lui ; sous le choc de sa découverte apéritive, Julien se cramponnait à la table pour ne pas flancher et ne détourna pas son regard ni son nez des petits apéritifs longilignes et mouchetés au parfum agréable de cacahuète qui le médusaient. Partie de l’autre extrémité, la belle blonde  longeait le bord de la table d’un doigt timide. Elle laissa traîner son index sur le lisse de l’arête émoussée jusqu’à rencontrer la paume agrippée de notre jeune cinéaste. Quelques mots improvisés dans la langue de Goethe vinrent à l’oreille de notre ami mais il interpréta la chose différemment : pour lui, la blonde était goulue et tentait de l’amadouer pour lui dérober la sachet de Curly. Par instinct de survie il la saisit donc par les hanches, lui décocha un grand sourire et lui fourra dans la main un paquet plein de Tuc au jambon, tandis qu’il enfournait dans sa veste son trésor aux cacahuètes. Jamais on n’avait traité la belle prussienne de la sorte, elle ne s’en remit pas ; la larme à l’œil et des miettes de Tuc jambon entre les doigts, elle quitta la pièce sur-le-champ. Personne ne comprit, et Julien seulement se félicita de sa capacité à prendre des décisions dans les moments critiques.

Pendant ses années lycée, Bertrand, lui, eut souvent envie de lancer des briques sur la tête des agents de l’ordre public, de brûler des temples, de briser des bouddhas géants ou de gueuler sur Olivier surtout quand ce dernier lui collait deux ace de suite au tennis…Mais Bertrand n’était pas d’une nature grossière, aussi se contentait-il de dire « c’est pas très propre tout ça » « ah non, c’est pas très propre » quand d’autres auraient dit « non mais putain ! on rêve, c’est quoi ce bordel, une vie ne vaut vraiment pas la peine d’être vécue ! ».

non Bertrand restait calme et le devint d’ailleurs de plus en plus.

A 20 ans il s’était dit qu’étudier l’histoire et la géographie pourrait l’aider à se changer les idées en s’intéressant à celles à des autres avant lui……mais, un jour de Wii  prit la grande décision de transformer son corps. Sa courte carrière de gendarme à l’armée lui avait appris cela, il faut être une tête mais aussi un corps ! un esprit et des muscles ! Comme il mesurait depuis une matinée entière le fragile pectoral de sa récente majorité il décida de tout changer, de casser la baraque, de briser les tabous, de provoquer Olivier mais aussi le petit tennisman en vogue par la même occasion : son défi était lancé, vivre c’est…avoir les bras de Gustavo Cuerten ! Bertrand Guga Denis était en marche !

Dès lendemain Bertrand offrit sa lettre de démission au pharmacien qu’il l’avait embauché et lança par-dessus le comptoir comme un souvenir enterré sa blouse blanche encore maculée de deux trois auréoles de Bétadine rouge. Bye bye les tubes à essai et les poudres volatiles, au revoir les dolipranes pour Mme Dubroc, l’ère de fonte, d’acier et de boissons bizarres présentaient par des gros hommes en petits slips advenait.

Il fréquentait assidûment les terrains de sport, précisément les cours de tennis. Gâté par la nature, fourni comme on dit, il passa quelques années à faire vibrer les boyaux tressés de sa Pro Kennex pour le plaisir d’ailleurs des groupies girondines qui assistaient à tous les matches et entraînements du bel athlète. A ce titre, plus d’une s’évanouit durant les parties particulièrement rudes, lorsque Bertrand étant en difficulté face au tchèque montant ou au robuste argentin, elles paniquaient et la chaleur les envahissaient aussitôt.

 

Mais tous ces efforts furent vain et son anxiété première le reprit vite. Il gagna rapidement tout. Le tournoi des Petits As au Wimbledon junior…rien ne lui résista et lors des remises de trophées par les sulfureuses nymphettes du Crédit Agricole il soufflait d’ennui. Taper dans la balle …Il ne put s’empêcher d’écourter sa carrière…ce qui soulagea le jeune Gustavo évincé depuis l’ascension de Bertrand…

Non mais il est où l’intérêt de la croissance…et de cette vie tout simplement ?

 

Chapitre 4 : le juste mot

19h35 : Julien erre dans le rayon des produits frais et s’arrête devant un pack de Yoplait aux fruits. Il s’est mis en tête que les produits laitiers favorisaient la croissance et donc pour emmerder le monde et ralentir les ventes il avait décidé d’un tour malicieux.

19h37 : Bertrand vient de planter ses parents devant un étalage superbe de poivrons espagnols et se dirige à grands pas vers les livres.

19h40 : Julien se détache des Yoplait aux fruits et examine à présent les grandes barquettes de Danone crème dessert.

19h42 : Bertrand et en pleine lecture de la biographie de Tolkien/ Il cherche à savoir si ce  dernier livre la recette du pain elfique, recette grâce à laquelle la question de la croissance enfin ne se poserait plus.

19h44 : Julien saisit un pack de 4 yaourts Mamie Nova au café.

19h45 : Bertrand rabat la quatrième de couverture de la biographie de Tolkien. Il jette un regard au néon au dessus-de lui, soupire et s’écrie brusquement « et dire que ce mec n’a jamais été classé à l’ATP. » Sur ce, il balance le lourd pavé illustré par-dessus lui, déçu de n’avoir trouvé.

Au même moment : Julien commence lui, à détacher les 4 yaourts Mamie Nova au café.

19h46 : L’employé au lave-linge vient de comprendre que le bouquin qu’il a reçu sur la tronche vient du rayon d’à côté.

19h47 : Julien a déjà désolidarisé une centaine de yaourts environ.

Pendant ce temps : Bertrand, qui prospecte à la recherche d’un album à colorier de Yakari le petit indien pour apaiser sa déception, se fait accoster par l’employé mécontent du jet intempestif de livre dans son magasin.

19h48 : Le bruit répété et maintenant presque convulsif du clic-clic des yaourts qui se détachent à mis la puce à l’oreille d’un vigile en vadrouille.

19h49 : Bertrand a été rejoint par l’employé au lave-linge. La discussion a mal tourné. Bertrand essaie d’échapper maintenant aux mains de l’employé assommé de plus en plus énervé.

A l’autre bout : Julien, un pack de petit suisse Chambourcy entre les mains s’immobilise. Il vient de sentir derrière lui le pied lourd de l’agent de sécurité écraser son talon.

 

Bertrand s’enfuit, après avoir appliqué un revers deux mains au type du magasin.

Sans trop réfléchir aux conséquences Julien, lui, lance à sa droite le bloc de petits yaourts et part dans la direction opposée.

Bertrand négocie un virage en s’aidant d’une tête de gondole et s’engouffre dans le rayon des peignoirs pour femmes.

Au milieu de l’allée Julien hésite une seconde entre le bricolage et les fringues. Il a toujours été attiré par les perceuses, visseuses et autres marteaux arrache-clou mais là, allez savoir pourquoi, il s’est précipité vers le textile.

L’espace laissé par deux mannequins plastiques permit à Bertrand de se cacher le temps que l’employé furax dépasse le rayon des vêtements.

De l’autre côté, entre les robes de chambres satinées et les nuisettes Julien cherche un accès pour se camoufler derrière les habits pendus. Ouf, le vigile n’a rien vu.

 

Haletant, le cœur battant la chamade, tous deux récupéraient de leur aventure.

Quand, soudain les cintres se mirent à bouger. Un vent léger ? un courant d’air ? la clim ? non !

Au même moment, devant eux, à vue de mollets, deux jeunes femmes s’interrogeaient devant les peignoirs suspendus.

Elles exposaient leur envie de maternité et confessaient que la taille de ces sorties de bain seraient en effet idéal le moment venu.

Le mot magique provoqua un déclic. La maternité, être parent. Mais oui, c’est ça. Le voilà le moyen de donner un sens à leur vie, voilà comment revenir en même temps dans ce monde oublié et interdit. Envisageant déjà d’acheter de nouveaux Winny clignotants, Julien et Bertrand se serraient de joie, oubliant qu’au-dessus de leur tête oscillaient des peignoirs pour femme en coton fleuri.

 

 

Petit blond à la chaussure à trois bandes, grand tennisman au regard félin…

 

Alors, sous ces hospices heureux, caché parmi une foule de chariots poussés et de tapis roulants ils prirent une de leur plus grande décision. Alors, tout commença, tout ce à quoi ils ne pouvaient s’attendre vint, sous leurs yeux et sur eux, à l’assaut de leur esprit et de leurs sens.

 

Sens dessus dessous la goutte d’eau fit déborder le vase et de fil en aiguille ils se virent pris dans les mailles d’une tricoteuse qui par effet de boule de neige les enfila dans les filets immenses d’un destin d’étoiles et de neige….de flocons d’avoine et de talc ou de purée pommes carottes et de savon crème diront les plus médisants…

 

 

Conclusion

 

Ils sont restés encore adolescents, pour le plaisir d’ailleurs de leur compagnes, ravies au fond de les entendre parfois souffler dans des draps qui les recouvrent des mots étranges pour faire rire leur enfant ou se coiffer d’un carton d’emballage percé sous lequel ils hennissent des « je suis ton père »…

A ces papas parmi nous, encore jeunes pour le plaisir de tous, félicitations et amusez-vous bien.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans Portrait

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