Patrick Chamoiseau, L’esclave vieil homme et le molosse, 1997, Gallimard.

Publié le par Dantris

Patrick Chamoiseau, L’esclave vieil homme et le molosse, 1997, Gallimard.

Voilà, première lecture antillaise.

L’histoire d’un homme très très vieux, esclave sans âge, qui s’échappe de la plantation.  Il est ensuite poursuivi dans les Grands-Bois par le Maître béké et son fameux, terrible et démoniaque « molosse ». L’échappée du vieil homme servira de prétexte à une introspection merveilleuse des mondes végétaux, minéraux et charnels d’une nature personnalisée ainsi qu’à une incroyable communion entre le corps de l’homme et celui de cette nature vivante. Le face à face final entre le fuyard et le chien ôte toute la violence jusque-là en suspens : car le vieil homme et l’animal reconnaissent leur proximité.

Une écriture oralisée, une prose poétique qui parfois l’est trop, dont la lecture n’est pas aisée de prime abord et à laquelle il faut se faire car cela vaut la peine. Un va-et-vient entre le pronom de 3° personne et le « Je » d’une autobiographie d’imposture.

Chamoiseau, « marqueur de parole », explique en fin de livre son évasion intellectuelle à partir d’une pierre caraïbe que lui aurait montré un « vieux-nègre-bois ».

« C’est sa seule manière de vivre et d’être- comme nul ne le sait- catastrophiquement vivant. » p.50.

« Son cœur remplit l’univers de son battement extrême. Son souffle bat une vapeur de forge. Il lui grille la gorge. Il demeure ainsi durant un temps incalculable, moins épuisé du corps que dévasté par ce qu’il vient de vivre. Serrées en lui, ces visons s’apprêtent à bondir de nouveau. Il n’ose pas bouger.

Rien ne remue l’autour. Les arbres mâchonnent un fond d’éternité. L’air trop fermenté sédimente sur lui une petite peau gluante. » p.77. 

« Je voulais me vautrer dans cette terre d’où s’élevaient tant de forces. Mon besoin de ces forces en faisait des beautés. Et cette beauté alliançait et la terre et le ciel, et la nuit et le jour. Je me couvrir d’humus puis de tuf ramené dessous mes ongles fouisseurs. » p.190.

Publié dans Lectures 2009

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