La Bicyclette

Publié le par dantris vadim

Forcément, le samedi...on a du mal à refuser les invitations, alors bon gré mal gré, j'y vais : d'après Lui ce sera raisonnable : -" ...Rien de trop sévère, juste un p'tit verre histoire de faire une pause, allez, on t'attend, tu passes quand tu veux". Ok je fais une coupure, et je m'y rends, disons 22h30. Objectif mensonger dns ma tête : bon disons 01H00...01H30 maximum. Plus ou moins premier arrivé, je vois venir le plan, la soirée va pas finir de suite, de suite ; alors je m'encourage :"t'es pas couché d'ici plusieurs paires d'heures, retrousse tes manches et commence à sucer les glaçons". La pièce se remplit, bisous, bisous, salutations, intérêt relatif porté à chacun d'entre eux, proposition de paratge de canapé, un verre ? ah !c'est toi, ça faisait longtemps...patati et patata Joyeusement, l'un dans l'autre... tout passe; citron/rhum/sucre de canne...l'un dans l'autre...et puis fatalement l'envie d'avoir un truc dans la bouche arrive, avec l'alcool c'est inévitable, on retourne en enfance. Substitution du stade oral : le cône. Note : avoir arrêté de fumer c'est courageux, mais avoir arrêté "à peu près" c'est périlleux... Poliment, quelques longueurs de feuilles passent...et là par contre, l'un sur l'autre c'est la grosse claque, -" hollandaise chérie dis-moi que tu m'aimes, plus tu me le répète et plus je t'avale ; monde fumeux qui m'emprisonnez, dites moi par où je respire...flash-back : sous les yeux les berges humides d'Amsterdam, le corps blond de ces hautes femmes, ces larges roues de vélos fuyant, vient aussi, l'odeur de ces cornets de frites bien chaudes dans lesquels la mayonnaise est toujours débordante ; et puis...je m'en souviens, un indien écoutait Ravi Shankar en regardant la lune, et moi j'éprouvais pour la première fois le trouble sensible de ces petits comestibles pointus...Dieu que c'était bon" Inconsciemment, Chronos au métronome, le temps passe, et la pièce tourne de plus en plus, tranquillement, on sait là alors qu'il est inutile de lutter, autant y aller franchement : -"oh la jolie petite fiole de liquide transparent, y a écrit "Martinique" dessus c'est forcément non toxique, ça sent le soleil, je crois que c'est ce qu'il me faut....................l'orgasme a un degré, 45 °". Mon pote sent bien que je suis en train de me faire une promenade en solitaire, alors il part à la pêche. Amicalement, on parle on parle, je crois qu'il y avait de bonnes idées sous le tas de conneries qu'on a sorti, on est allé aussi un peu visiter nos avis sur des sujets sérieux. On parle on parle on s'écarte du groupe, on parle on parle : ça y est, on s'est échappé, c'est du tête à tête. Lui, ça va pas du tout avec Elle, il m'en parle, j'écoute, je sais ce qu'elle en pense, je la connais bien elle aussi..des histoires de " je sens qu'on prend nos distances de + en +; on peut plus avancer...". J'essaie de donner mon regard sur leur situation il m'écoute il comprend, on s'est compris, on se ressemble au fond. Normalement, on en vient à ce fameux: - "et toi au fait t'en es où ? ça fait un petit moment que tu m'a rien raconté à ce propos, tu parles de la fac mais le reste..." J'allais sans doute lui répondre en noyant leposson avec les deux mains, quand... ...Liquidement, je sens venir à la gorge une marée imprévue, un truc vient de me saisir la trachée, non, c'est dans ma tête, un haut le coeur alors, quelque chose comme ça. J'arrive juste à placer : - Oh non, rien de particulier...enfin, peut-être si, mais c'est un peu long...(j'aurais pu dire "compliqué" aussi, ou "étrange", ou "amené à disparaitre", "vain", "probablement maso" ou plein d'autres termes, mais j'ai choisi "long", allez savoir pourquoi?) Sans rien raconter de précis il comprend quand même, il sait, il me regarde et il voit tout, la scène, les acteurs, le putain de scénario..."le montage va être chaud, c'est de la haute couture", voilà ce qu'il semblait me dire, "tout est là mais l'assemblage relève de l'artistique". Je commençais à trouver son opinion juste et peut-être aurais-je eu envie d'aller plus loin...mais Traitrement, la marée revint, comme Léo alors, je l'ai dans le coeur mais elle prit des allures d'envie pressante : le plus court chemin vers la libération abdominale, les chiottes. "Je les connais par coeur, j'adore d'ailleurs la couleur des murs, la frise orange, les flancs violets de cette pièce étrange, une pièce à la Lynch, une cabine d'ascenceur prêt à monter à tout moment, une salle de test d'ortophoniste, un autre-lieu, un endroit coupé du monde en liaison avec le monde des rêves". Etrangement, je prend le temps deme demander ce que je fous dans les WC et, avec le rythme de spasmes cardiaque, reviennent à mon souvenir des images tordues, des polaroïds froissés...toi ? quand était-ce ? il est 03 heures ? on s'est vu aujourd'hui ? debout je vois que la cuvette devient molle, du Dali en direct, même mes membres commencent à prendre l'envie de se contorsionner, je sais que je suis au bord de la chute, ça flanche, ça tourne trop vite, il faut arrêter le caroussel....Polluuuuuuuux !!!!!!! retour du manège enchanté, direction le salon : Physiquement, l'herbe du jardin a fait mal, très mal, et d'un seul coup d'un seul, toutes les lectures de la journée se sont envolées...en fumée: adieu Proust, Marcel, Swann, chacun s'en va de son côté, la fiche de résumé se consumme comme un fêtu, tout disparait, j'ai dans la tête la sensation d'une mémoire vidée, transformé en homme de faïence je suis un syphon par lequel tout a été englouti. La scène du Cortex ferme, le rideau tombe...où suis-je ? Doucement, je reviens peu à peu dans la civilisation, le front rafraichi, mais de façon insistante un autre espace-temps s'impose ; autour tout le monde s'agite, on rit, on se provoque, ça glisse un peu, ça devient sérieux, pas trop...attention le pire arrive: Un -"david ! alors comment se passe le Hors-Capes ? Une - on m'a dit que... Une autre - et au fait... Celui-ci - alors, qu'en est-il de ..." = l'inconvénient de ne pas avoir vu des gens depuis quelques semaines, voilà...peu enclin à raconter ma vie, je donne quelques broderies pour occuper la foule, la conversation est relancée à partir d'un petit sujet très exploitable, hop je m'eclipse, ( cf. techique du sioux, you know ?) et repars illico dans mon petit chez moi spirituel, à la recherche d'une photo perdue...ça y est ! Je profite du cuir du canapé, bien souple, comme je l'aime - la vie est vraiment moelleuse- et peu à peu se relance mon super 8, le film avorté dans le cabinet d'aisance... ...Nostalgiquement, la pellicule part, bruits successifs de crépitements, le noir et le blanc s'associent, la scène avance: Une rue, une longue rue, ciel mitigé, des voitures : rapidement, mes courses au bout des doigt, l'envie d'une clope. Une longue rue, au loin, des petits points qui grossissent au fur et à mesure; le monde se construit quand on avance. Une rue, une longue rue, je lève les yeux un peu plus loin pour voir arriver mon avenir. Une bicylette, des genoux qu'on distingue pas très bien, des mains sur un guidon. La perspective se réduit, une longue rue qui parait rétrécir, un point se précise, "tiens, ça ma rappelle quelqu'un". J'ai envie d'embrasser ce ventre. Ue longue rue, une madeleine, Proust. Evidemment, j'ai reconnu même de face cette cambrure. Certains bassins ont des proportions que l'on oublie pas, je connais ta géometrie, tes lignes, ton corps. Avoir pour guidon ses reins d'enfant et conduire le fragile véhicule du plaisir. Le film s'interrompt, il est 4H35, un joint passe, je prends au vol l'offre et regarde vite fait les gens toujours là en train de discuter. Ils sont ailleurs, et moi j'étais avec toi. -" C'est à ce moment là qu'on aurait du faire l'amour, là, précisément".

Publié dans Chronique

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